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Des hommes et des stades

Jean Bordet, Jean Navarette, Jean Renaud, Georges Malère… qui sont ces personnalités clunisoises associées aux stades de Cluny ? À l’occasion de la célébration des 80 ans de la rafle du 14 février 1944, on vous partage l’histoire de ces hommes engagés dans le sport, mais pas que.

Jean Renaud et Georges Malère, deux amis face à la guerre

Mercredi 3 septembre 1947. Le conseil municipal de Cluny décide de nommer le nouveau stade municipal “stade Jean-Renaud” et le chemin pour s’y rendre “chemin Georges-Malère”. Ce choix fort résonne avec l’époque, la construction de la première infrastructure sportive de Cluny s’étant déroulée en plein conflit mondial.

Car s’il n’est pas lié au sport, Jean Renaud a marqué l’histoire de la Résistance à Cluny. Né en 1903 à Cluny, il est volontaire pour partir au front en 1939. Arrêté par les Allemands en juin 1940, il est incarcéré à Fourchambault dans la Nièvre, et s’évade de prison quelques mois plus tard.
En 1942, il entre en Résistance et organise le maquis de Cluny. Recruté par le Special Operations Executive britannique (le SOE), il participe aux parachutages de matériel, aux sabotages et à la guérilla contre l’occupant. En représailles, sa femme est arrêtée lors de la rafle du 14 février 1944. 

Le 10 juin de la même année, alors qu’il détourne de la nourriture à la gare de Cluny, Jean Renaud est surpris par les Allemands. Sautant par la fenêtre du buffet de la gare, il se blesse et est arrêté. Il décède peu après en captivité, à 47 ans, laissant une veuve et trois enfants.
Il sera décoré à titre posthume de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre 1939-1945, de la médaille de la Résistance et de la Military Cross.

La gare de Cluny, avec le bâtiment voyageur (au premier plan) et le buffet de la gare (au fond, derrière l’abri en fer forgé).

L’une des filles de Jean Renaud, Marthe, se mariera à l’un des deux fils de Georges Malère, les deux familles étant amies de longue date. 

Né en 1904, Georges Denis Malère est plombier de formation, et devient directeur de l’usine à gaz de Cluny, filiale de la “Société lyonnaise de Lumière & Force”, située route de la digue. Il est lui aussi entré en Résistance, et organise des parachutages d’armes, qu’il cache dans un gazomètre désaffecté de son usine. 

Georges Malère est agent de l’Intelligence Service britannique (le MI6), et un Anglais est très souvent caché chez lui. Soupçonné par les Allemands, et probablement vendu par un traître, il est arrêté lors de la rafle du 14 février 1944 et déporté à Mauthausen-Gusen où il décèdera le 21 mars 1945.

Panorama de l’entrée sud de Cluny depuis le coteau de Bel-Air, où l’on distingue au deuxième plan l’usine à gaz (avec sa grande cheminée) et les gazomètres (structures rondes au centre de l’image). 

Aujourd’hui un peu oubliés, ces deux héros liés par leurs enfants font partie des nombreuses personnalités de la Seconde Guerre mondiale dont les rues de Cluny conservent la mémoire.

Jean Bordet et Jean Navarette, des bénévoles engagés

Construit bien plus tard, à la fin des années 1970, le stade de la Grangelot n’a pris le nom de Jean Bordet qu’en octobre 2013, quelques mois après le décès de celui qui a marqué l’US Cluny rugby de son empreinte pendant presque 40 ans… sans avoir jamais joué au ballon ovale.

Né en 1923 à Cluny, Jean Bordet a passé toute sa vie dans la ferme familiale. Alors qu’il n’a que 20 ans, il s’engage dans l’armée française de Libération au Cornet de Roselend, en Savoie, puis rejoint le Tyrol en Autriche.
À la fin de la guerre, s’il suit parfois son cousin Jacques Martinot qui évolue à Mâcon, c’est par ses enfants que Jean Bordet arrive au rugby : son fils Jacques rejoint la section rugby de l’US Cluny tout juste créée par Maurice Bon en 1969. Puis se sont ses neveux, ses gendres… Quatre ans plus tard, Jean Bordet est élu vice-président de la section rugby. Il devient président du club en 1981, à la suite du décès prématuré (à 40 ans) de son prédécesseur, Jean Navarette, qui avait lui-même pris la suite de Charles Pétré après son décès en 1978.

Inamovible et incontesté, Jean Bordet reste président de l’US Cluny rugby jusqu’en 2004, soit 23 ans à la tête d’un club qu’il a incarné et transformé au fil des années. Son décès en février 2012 laisse un grand vide dans la famille du rugby clunisois. En octobre 2013, la municipalité de Cluny baptise le stade de la Grangelot du nom de Jean Bordet lors d’une émouvante cérémonie. 

Jean Bordet (à gauche) avec l’équipe senior de l’US Cluny rugby, au stade de la Grangelot, au début des années 1980.

Quelques mois plus tôt, une autre cérémonie d’hommage a eu lieu quelques dizaines de mètres en contrebas : le 26 janvier 2013, c’est la plateforme sportive du collège (mise en service après 15 ans de bataille judiciaire pour malfaçons) qui est baptisée du nom de Jean Navarette. 

Président de l’US Cluny rugby de 1978 à 1980 et professeur de sport au collège de 1963 à 1980, Jean Navarette a marqué toute une génération de Clunisois à qui il a transmis le goût du sport, l’esprit d’équipe et le dépassement de soi. Éducateur hors pair, artisan de l’indépendance de la section rugby de l’US Cluny (qui se sépare du club omnisport en 1979), Jean Navarette a laissé une empreinte durable sur le sport clunisois. Chaque année depuis 1984, l’US Cluny rugby lui rend hommage lors du challenge des jeunes rugbymen qui porte son nom.


  • Sources : Amicale des déportés de Cluny – Le pire c’est que c’était vrai | Léa Aujal, Clara M. et Chantal Clergue – Cluny et ses rues : des noms pour se souvenir | Pierre Ballester – La France du rugby | Archives de l’US Cluny football et de l’US Cluny rugby | Archives du Journal de Saône-et-Loire.
  • Photos : Collections privées, sauf mention contraire.
  • Photo de couverture : Jean Renaud et Georges Malère (à gauche) avec deux amis, à l’été 1939 – archive de la famille Burdin publiée dans “Le pire c’est que c’était vrai”.
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1 commentaire pour “Des hommes et des stades”

  1. Merci pour ces articles. Supporter de Rugby en particulier de l’ASMacon Rugby et Secrétaire Général de la Fédération Française des Supporters de Rugby (FFSR), Jean Navarette dit « Jésus » a été mon prof de sport au collège de Cluny. Pensées pour lui, sa famille et ses proches.

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