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Qui sont-ils ?

Une équipe de football qui pose fièrement sur un perron : mais qui sont ces jeunes gens, où sont-ils et à quelle époque ?

Il s’agit d’une des premières trouvailles du projet Cluny2024 dont ils sont devenus la mascotte : ces treize jeunes gens fixant attentivement l’objectif sont (très probablement) parmi les premières joueurs de l’équipe de football de l’association sportive du lycée La Prat’s, ou plutôt de l’École pratique sportive Clunysoise dans les années 1920-1930.

Cette vénérable société sportive, la plus ancienne de Cluny encore en activité sous format « loi 1901 », a fêté son centenaire en mars 2020. Créée pour les élèves de l’École pratique de commerce et d’industrie de Cluny, elle avait alors pour but la « pratique des sports et la préparation au service militaire », sujets intimement liés dans la France des années 1920.

Pour l’identifier aussi clairement, il a fallu scruter tous les détails… et consulter quelques archives.

Un lieu

À l’arrière-plan, les marches du perron, la forme de la maçonnerie et de la porte en bois permettent de reconnaître l’endroit où la photo a été prise : très précisément devant la façade du plus ancien bâtiment du lycée, qui fait face à l’allée du Fouettin. Ce bâtiment (qui accueille aujourd’hui l’internat) est en cours de rénovation, mais ses façades ont été conservées à l’identique, dont ce perron caractéristique.

Une date

Au dos de la carte, le photographe a laissé sa signature : M. Loury, rue Mercière à Cluny.

Marcel Gustave Loury, photographe de métier, est né à Paris en 1892. Il s’installe rue Mercière entre 1916 et 1919 avec sa femme Céline (originaire de Chissey-lès-Mâcon) pour y créer la boutique de photographie qui existe toujours aujourd’hui.
Il y restera jusqu’au mitan des années 1930, date à laquelle son commerce sera repris par Henri Treille, photographe venu de Dôle.

La photo de l’équipe de football devant le perron du lycée a donc été prise dans cette période, entre 1919 et le début des années 1930, ce qui correspond également à la date de création de l’association sportive du lycée.

Comment être aussi précis ? Grâce aux Archives départementales de Saône-et-Loire, qui conservent les recensements de la population de Cluny entre 1836 et 1936.

Le recensement de 1921 est ainsi le premier à faire état de la famille Loury rue Mercière. On y apprend également que le couple a deux enfants : Raymond (né en 1916 à Courbevoie) et Georges (né en 1919 à Cluny). C’est donc entre 1916 et 1919 que le photographe s’installe à Cluny avec sa famille et y développe son activité.

Les recensements de 1926 et de 1931 confirme que Marcel Loury est toujours présent rue Mercière.

Extrait du recensement de 1931 à Cluny (Archives départementales 71).

En revanche, plus aucune trace de la famille Loury dans le recensement de la population de Cluny en 1936, mais un nouveau photographe qui s’est installé dans la boutique de la rue Mercière, Henri Treille, avec son épouse Lucienne et leurs enfants Gérard et Jacqueline, tous trois nés à Wassy en Haute-Marne.

C’est ainsi qu’une simple signature au dos d’une photo permet d’identifier la date de prise de vue !

Et des protagonistes ?

L’énigme la plus compliquée (et toujours irrésolue) est celle de l’identification des protagonistes. Tout juste peut-on aujourd’hui se border à identifier quelques fonctions. Regardons à nouveau la photo de plus près.

Au centre, se trouvent onze jeunes hommes en maillot rayé, une tenue de sport typique du début du siècle, où les fantaisies n’étaient pas nombreuses sur les terrains. Les historiens rappellent en effet qu’avant les années 1930-1940, il aurait immoral de s’exhiber en habit bariolé, dans la vie comme dans un stade.

L’un d’eux tient précieusement un ballon de football en cuir : son maillot uni signale qu’il s’agit du gardien de but. Il est le seul à avoir le privilège de saisir le ballon entre ses mains pendant la partie, d’où son habit différent.
Au passage, on remarque que les tenues sont loin d’être identiques : disposition des rayures, forme et couleur du col, couleur des shorts et des chaussettes… le temps n’est pas encore à la production de masse, et chacun a probablement fait confectionner son équipement chez une couturière à partir de quelques consignes données à toute l’équipe.

Sur le côté gauche avec son costume sombre et son bâton, on reconnaît le surveillant général. Dans l’enseignement secondaire du début du 20e siècle, le « surgé » fait régner l’ordre au sein de l’établissement : il fait régner la discipline chez les élèves, contrôle les absences, les retards… et on imagine que son bâton n’était pas là que pour prestige de l’uniforme !
Parfois qualifiés de « pères Fouettard », les surveillants généraux ont officié dans les lycées jusqu’au début des années 1970, date où ils ont été remplacés par les CPE (conseillers principaux d’éducation) à la mission désormais plus éducative que disciplinaire.

Enfin à droite, l’homme en costume gris est probablement le professeur de sport, ou plutôt d’éducation physique, qui encadre ses élèves.
La distinction des termes est en effet importante dans les années 1920-1930, où le débat fait rage entre les tenants d’une éducation physique virile et morale, enseignée avec discipline dans un but de préparation militaire (soit l’objet de l’association sportive du lycée) ; et de l’autre les partisans d’un sport scolaire pour tous, favorisant l’épanouissement des jeunes, la santé et les loisirs (doctrine qui sera reprise par le Front populaire en 1936-1938 sous l’impulsion des ministres Jean Zay — Éducation nationale — et Léo Lagrange — Loisirs et sports).

Au-delà de ces quelques détails, impossible à ce jour de connaître précisément l’identité de ces jeunes hommes. Peut-être que les archives du lycée nous en diront plus un jour ?
Et qui est ce « Monsieur René Leplaix », dont le nom est indiqué au dos de la photo ?

Si vous pensez en savoir plus, ou simplement pour partager une anecdote ou un souvenir, écrivez-vous vite !


  • Sources : Archives départementales de Saône-et-Loire | Michel Pastoureau – Les couleurs du stade | Thierry Terret – Histoire du sport | Archives privées.
  • Images : Archives départementales de Saône-et-Loire | Collections privées.
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